dimanche 24 février 2013

"Voyage, voyage"

Le très populaire Guide du routard, fondé en 1973, fête ses 40 ans cette année.
En tête des ventes de guides de voyage en France (un voyageur sur trois achète un "Routard"), ce guide mythique aux relents humanistes babas, initialement destiné au voyageur désargenté à la recherche de bons plans, a suscité de vives polémiques en 2006 à la sortie de Enquête sur un guide de voyages dont on doit taire le nom aux éditions Panama. Son directeur et fondateur, Philippe Gloaguen, aujourd'hui sexagénaire, détenteur de la marque déposée Routard et seul auteur crédité de tous les guides, y était critiqué car percevant 100 % des droits d'auteur sur les ventes et les rééditions. Sachant que le guide, propriété d'Hachette-Lagardère numéro 1 de l'édition en France, bénéficie d'une distribution optimale dans les relais du même nom et vend 2,5 millions d'exemplaires par an. Les méthodes de ce patron breton y étaient aussi mises à mal, en particulier les méthodes de collecte d'informations. D'après l'auteur, le guide ne vérifierait pas toujours ses adresses, pratiquerait un certain copinage et se reposerait trop sur les lettres des lecteurs pour les bonnes adresses et correctifs. 
Je partage cet avis. Il est en effet aisé de constater le défaut d'actualisation des éditions, le manque de fiabilité des ouvrages lorsqu'on est un(e) adepte du voyage et que l'on a souvent eu entre les mains des guides du Routard. Les erreurs y sont nombreuses, les informations souvent datées. Et personnellement, beaucoup d'autres défauts m'irritent, à tel point que je ne l'utilise plus: la superficialité des textes, la qualité médiocre du papier, le ton post soixante-huitard adepte du tutoiement fraternel, le côté franchouillard privilégiant les petits tuyaux à la culture, critiquant le tourisme de masse mais sans véritable alternative vu que ses millions de lecteurs adeptes du prémâché se dirigent tous vers les mêmes endroits conseillés en étant persuadés d'être des aventuriers marchant hors des sentiers battus. Il n'est pas rare, de fait, de voir une meute de touristes bouche bée et fatigués pour avoir traversé au pas de charge toute la ville en diagonale à potron-minet, se casser le nez sur la devanture clinquante d'une boutique de téléphonie en ayant cru y trouver "une adorable petite boulangerie typique avec mamie qui vous sert une spécialité sucrée à vous damner tandis que papi s'active au fourneau". Ou de constater avec dépit que les seuls consommateurs du "petit bar pittoresque à l'ambiance familiale et aux patrons d'une générosité rare" sont des compatriotes victimes elles mêmes consentantes et vaguement honteuses du panurgisme touristique.
Car ce guide est une telle institution qu'il sert de signe de reconnaissance. C'est grâce à lui que l'on identifie les Français à l'étranger (et à leurs vêtements "Quechua" aussi) et qu'on entre en contact avec eux pour échanger quelques impressions. A condition, bien entendu d'être dans une disposition d'esprit favorable à la rencontre de congénères, spécimens qui nous agacent déjà parfois sur notre sol, ou individus qui par effet miroir nous renvoient à notre propre conformisme et à nos propres travers...

En tout cas, pour preuve des erreurs qui sont légion dans ses pages, l'édition 2010 du Routard, consacrée à la Côte d'Azur, dans laquelle j'ai relevé trois "bizarreries" à propos de la ville de Contes
Vous voulez savoir lesquelles? Page 429 et 430, on peut lire:
- "Ce village n'est pas perché comme les autres".
- "Pour le trajet Nice-Contes, compter 40 mn".
- "On a failli ne pas s'arrêter au restaurant La fleur de thym à cause de sa situation au bord de la 4 voies". 
Allez, je conclus ce billet sur un conseil: si le sujet du voyage vous intéresse d'un point de vue anthropologique et social, je vous renvoie à la lecture des ouvrages du sociologue et spécialiste du voyage Jean-Didier Urbain
N.B.: en cliquant sur le nom de l'auteur cité plus haut, vous accéderez au podcast d'une émission que France inter lui a consacrée.
VS

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